ILLATS
20 Ventôse de l'an III (12 Mars 1795)
Incendie au village. |
Le citoyen Avezou agent municipal de
la commune d'Illats est consterné que les délits,
" qui nuisent au bien public, et les violations de
propriétés dont on ne peut découvrir
les auteurs ni les complices. " restent impunis.
Cette réflexion lui vient après une catastrophe
qui aurait très bien pu tourner au drame, car il y aurait pu
avoir des victimes : l'incendie qui a failli ravager le
village.
Le 20 Ventôse, dans la soirée aux environs de 9 ou
10 heures, un feu terrible illumine la contrée au Nord-Ouest
du Bourg d'Illats à environ 400 ou 500 pieds.
Le vent venait du Nord, les lueurs embrasaient le ciel, une
épaisse fumée obscurcissait l'horizon ; on
accourait de toutes parts sur les lieux, et malgré les
bonnes volontés le feu progressait et avalait tout sur son
passage.
On s'aperçut alors, que ce feu n'était pas
accidentel, mais volontairement allumé " exprès
par un quidam ou plusieurs ". Des vieux linges,
quelques morceaux d'étoffes qui avaient autrefois servis
à faire des épouvantails à oiseaux,
une allumette de soufre " dont on se sert pour tirer le vin ",une
pièce de landes déserte à ces heures
ci , et voilà le brasier qui s'empare peu à peu
des broussailles , des bruyères , qui s'amplifie
et dévore tout sur son passage. Le lopin de terre
d'où est parti ce sinistre appartenait au Citoyen
Taffard, vengeance ou simple coïncidence ?
On ne le saura pas.
Le feu progresse, ravage les terrains qu'il traverse, consume
au passage plus de 100 charrettes de bruyère, " il
détruit même les bois de la Nation qui
étaient pourtant distant de 800 à 900 pas ". Sans
cesse menaçantes les flammes avancent et s'approchent
dangereusement du Bourg. Les habitants se mobilisent pour lutter contre
les flammes arrivées aux portes du village. Ils
réussirent avec force, courage et conviction à
protéger le Bourg de ce feu " qui eut
détruit des pays immenses ". Une nuit de terreur qui a
marqué les villageois, tant le désastre
était immense. Au levé du jour un paysage de
désolation, des terres calcinées, des squelettes
d'arbres noirs qui se dessinaient sur le ciel, une campagne
cauchemardesque à qui il faudra des années pour
se remettre de cet incendie, mais la nature reprendra ses droits et les
souvenirs s'estomperont au fil des générations.
Le citoyen Avezou, impuissant devant une telle situation
demandera à l'administration " que soient prises
des mesures urgentes pour prévenir de pareils
délits, intimider les
méchants et arrêter le mal. " Il sera
entendu par ses collègues, mais la tâche sera
difficile pour lutter contre ces citoyens malveillants qui agissent
dans l'ombre.
Michel Laville (Archives Municipales de Barsac)
BARSAC & PREIGNAC
Ventôse an VI (Février 1798)
Exclusions des nobles et anoblis - Guillotinés
Un rappel de l'administration du Département de la
Gironde à l'administration du Canton concerne " la
chasse " aux nobles et anoblis, qu'ils assimilent aux
étrangers, notamment pour
l'exercice des droits de citoyen. Déjà au mois
de septembre les parents ou alliés
d'émigrés étaient
assimilés, d'après la loi du
3 Brumaire de l'an IV à des émigrés,
et spoliés comme tels " ôte aux ennemis
de la République, l'un des points d'appui les plus puissants
dont ils firent usage aux dernières élections,
pour envahir les magistratures Républicaines, afin
d'y stipuler l'intérêt des rois, et de
servir avec plus de succès leur cause liberticide. Sachons
profiter de l'exemple du passé..... " " Pour paralyser tous
ces ressorts de l'intrigue et de la malveillance, il nous parait
important de faire connaître d'avance tous ceux que les Lois
ont frappés d'incapacité. "
L'administration demande donc aux communes d'établir deux
listes. La première de tous les nobles et anoblis
du Canton en ayant soin de ne pas y comprendre :
1°) ceux d'entre eux qui auraient été
membres des diverses Assemblées nationales, à
moins qu'ils n'aient protesté contre le
Décret d'abolition de la Noblesse.
2°) les Militaires en activité de service. Nous ne
vous parlons, ni des Membres du Directoire, ni des Ministres, parce
qu'aucun d'eux n'a son domicile dans notre territoire. Nous ne vous
parlons pas, non plus, de ceux qui pourraient
prétendre à des exceptions
particulières (article II de la Loi du 9 Frimaire), aucune
loi n'ayant encore déterminé le mode de les
établir. "
Afin qu'il n'y ai aucune équivoque possible, sachant que de
simples roturiers, avaient pu être
anobli, et " afin qu'aucun d'eux n'échappent a vos
recherches. " les deux sortes de nobles telles que défini
par l'administration du département sont :
1°) Ceux qui l'étaient par leur naissance,
et dont les origines étaient plus ou moins anciennes.
2°) Ceux qui l'étaient devenus, soit par des lettres
d'anoblissement, soient par des charges qu'ils avaient
occupées ou par celles de leur père. "
Les anciens nobles sont faciles à distinguer, et vous n'avez
pas besoin, à cet égard, d'aucun
détail particulier. "
Eclaircissements et précisions sur la seconde classe : Le
Roi avait des largesses infinies pour ses amis et savait être
reconnaissant pour ses " serviteurs ".
Vous observerez :
1°)
que l'office de secrétaire du ci-devant roi au
premier degré, après 20 ans d'exercice, et
même avant ce temps, si le titulaire
décédait revêtu du dit office et en
exercice. 2°) que les
Trésoriers de France, les présidents et
conseillers au ci-devant Parlement, et des autres cours que l'on
appelait souveraines, et les Greffiers en chef,
bénéficiaient, jouissaient de la Noblesse
personnelle, et s'ils n'étaient pas noble d'extraction, ils
ne la transmettaient qu'à la seconde
génération : il fallait alors que le premier
titulaire exerçât 20 ans ou mourut en exercice,
ainsi que le second titulaire.
3°) que la noblesse militaire était
transmissible de la même manière. Un roturier, par
exemple, parvenu au grade de colonel, jouissait de la
noblesse personnelle, et si son fils, parvenait au même
grade, alors il la transmettait à ses enfants. La Croix de
Saint Louis procurait les mêmes avantages, et cette
distinction avait les mêmes effets. "
Il y avait également les places d'Echevins à
Paris et à Lyon, celles de Capitoul à Toulouse,
et celles de Jurats à Bordeaux et dans d'autres villes, qui
permettaient d'être anobli. Le roi pouvait accorder
spontanément des lettres d'anoblissement à ceux
qui se distinguaient dans la profession des armes, dans la robe, dans
les arts, dans les sciences ou dans le commerce. Et il est
précisé que " Dans la seconde liste vous
comprendrez tous les pères, fils et petits-fils,
frères et beaux-frères, les alliés,
ainsi que les oncles et neveux des individus compris dans la liste des
émigrés et non définitivement
rayés. " Toutes ces recommandations sont signées
de l'ensemble de l'administration départementale de la
Gironde : Duplantier président, Partarrieu-Lafosse, Richard
de Meyere, Guibbaud et Clémenceau, Pagès
étant le secrétaire.
Une réponse très courte :
L'administration Cantonale de Barsac,
dont faisaient parties Illats et Preignac,
répondit en bas de page : " Valens de Preignac dont le
père est anobli dans les Jurats de Bordeaux,
Vendière * père, également de
Preignac, Chevalier de Saint Louis, se disant noble d'extraction, et
sur Barsac Roland Dupont (souvent orthographié Du Pont),
noble d'extraction et Védrines ci-devant Chevalier de Saint
Louis.
*Georges Joseph Vendière, ancien capitaine du
régiment d'Infanterie du Soissonnais
âgé de 71 ans en 1797, habitant de Preignac, est
né à Morlais en Barois dans la Meuse. Il a du se
justifier, étant considéré comme
émigré, en présentant le 8 Juin 1797
ses quittances d'impositions mobilières de 1791 et 1792
ainsi que sa contribution patriotique. Il affirme devant
témoins que depuis le 1 er Janvier 1790 et la
suppression de son emploi, il n'a joui d'aucune autre pension que de la
somme de 300 livres, ni d'aucun traitement d'activité. Cette
attestation a été faite en présence
de Etienne Leydet boucher et Jean Verdier, charpentier de
Haute futaille tous deux de Preignac. Le signalement que nous en avons
: Cheveux blancs, taille 5 pieds 3 pouces, le front grand, les yeux
saillants, le nez à la romaine, la bouche moyenne, le menton
ordinaire, il est sourd.
Dés les premiers jours de la chasse aux
antirévolutionnaires, royalistes, nobles,
émigrés et autres cibles, la guillotine a
été mise en service. Quelques Barsacais
et Preignacais, nobles ou militaires en ont été
victimes. C'est ainsi que le 24 Frimaire an II (24/12/1793),
Claude Henri de Lur Saluces, marquis et maréchal de camp,
âgé de 63 ans fut guillotiné pour "
crime d'aristocratie ".
Le 21 Messidor an II ( 9/07/1794) Jean Baptiste Joseph du
Myrat, écuyer et Chevalier de l'ordre de Saint Louis ,
âgé de 65 ans , et qui avait
épousé une antillaise de Saint Domingue, Marie
Leforestier, propriétaire de Myrat et de Cantegrit, fut
guillotiné à Bordeaux , le lendemain Jean du
Myrat son fils aîné âgé de 36
ans , militaire " reconnu coupable d'avoir tenu des propos contre
l'unité de la République , une et indivisible. "
, et François Joseph du Myrat, son fils cadet, militaire ,
âgé de 30 ans subirent le même sort.
Egalement ce même jour le 22 Messidor de l'an II ,
Gabriel Barthélémy Romain de Filhot,
âgé de 52 ans , conseiller au Parlement,
éminent magistrat, propriétaire des
châteaux Filhot et Coutet a été
guillotiné . Motif " Contre
révolutionnaire ".
Louis Larrieste âgé de 74 ans, ancien
officier décoré de la Croix de Saint
Louis a été guillotiné le 9
Messidor de l'an II (27/06/1794) " pour n'avoir pas accepté
le Décret de 1793. "
Jean Mercier négociant, âgé de 68 ans,
a été exécuté le 17
Pluviôse de l'an II comme contre révolutionnaire,
il était accusé " d'avoir fait passer de l'argent
à un émigré (dont le nom avait
été raturé et surchargé par
le commissaire militaire de Bordeaux.)
Auguste Journu âgé de 40 ans, négociant
propriétaire du château Nairac fut
guillotiné le 17 Ventôse an II (5/02/1794), pour
avoir dans une correspondance " comparé les
assignats à des pétards, en conseillant de ne pas
les laisser vieillir en portefeuille. "
Jean Baptiste Pierre Jules Dudon fils
âgé de 43 ans, procureur
général du Parlement de Bordeaux
condamné à mort le 2 Frimaire de l'an II par le
commissaire militaire de Bordeaux, convaincu d'être ennemi
déclaré des " maratistes " et d'avoir fait en
présence de témoins le serment de ne combattre
l'ennemi que sur ses terres.
La République " une et indivisible ", parfois sous
des prétextes fallacieux a fait tomber
des têtes . Les raisons : la chasse aux ennemis de
la paix et de la liberté, aux royalistes " sans doute vos
administrés ont-ils été
effrayés de l'abîme que le Royalisme avait ouvert
sous leurs pas. " mais toujours une finalité :
séquestration des biens des
victimes, ce qui impliquait, parfois
malgré eux, les parents ou les amis. Le besoin d'argent pour
mettre en place cette République tant attendu et constituer
un gouvernement qui se cherche, a entraîné des
abus et des crimes qui entachent et maculent de sang cet
idéal de liberté que désirait tant le
peuple. Le serment que doivent prêter tous ceux qui font
allégeance à la République
parle de lui-même : " Je jure haine à la
Royauté et à l'anarchie, attachement et
fidélité à la République et
à la Constitution de l'an III. "
Michel
Laville.
(Archives municipales de Barsac) |